Philippe Blondeau pour SOS Accueil : l’autre est une chance
C’est en 1997 qu’il est entré à SOS Accueil, pour ne plus jamais en sortir. L’association versaillaise, créée en 1984, qui compte aujourd’hui une centaine de bénévoles et une dizaine de salariés, accueille tous les ans un millier de personnes en grande difficulté. Tous les matins, quelques 150 sans-abris se pressent dans leur local, près de la gare de Versailles-Chantiers, pour un petit-déjeuner chaud, une douche, laver ses vêtements et surtout…parler, se retrouver. Un accueil de jour qui se prolonge l’après-midi par des rendez-vous personnalisés, pour tenter de résoudre les problèmes que cumulent ces personnes de la rue. Philippe Blondeau qui fut un des piliers de cette association, pas comme les autres, et continue de soutenir les troupes, nous livre son témoignage exceptionnel, d’engagement et de fraternité.
Portrait © AnnaClick. La carte de voeux 2018 de l’association SOS Accueil, qui évoque leur jardin-potager “Le Vôtre ” et toutes les personnes, réelles, qui s’y croisent…et la campagne du Lycée Notre-Dame-de-Grandchamp pour Noël solidarité 2017.
Vif et drôle, la crinière immaculée et le regard bleu glacier, Philippe Blondeau ne fait absolument pas ses 78 printemps ! S’il a accepté de nous parler de son engagement, c’est avant tout pour susciter celui des autres, car il n’aime pas se mettre en avant. “Moi je n’ai pas d’importance, ce sont les autres qui en ont !” répète-t-il souvent. C’est à 14 ans, alors lycéen à la Roche-sur-Yon, qu’il découvre par le groupe Saint Vincent-de-Paul, qu’il existe d’autres réalités sociales que la sienne. “On distribuait avec des copains, des repas chauds, à bicyclette, à des personnes démunies. Cette expérience m’a marqué car j’ai découvert bien des misères et surtout ces personnes nous accueillaient avec beaucoup de joie, cela m’a énormément touché”. Puis le tourbillon de la vie, familiale et professionnelle, prend le dessus et c’est au moment d’arriver à la retraite, qu’il se demande à nouveau, comment être utile. Il s’inscrit à la VMEH, la visite des malades dans les établissements hospitaliers, dont il devient le président pendant onze ans, multipliant le nombre de bénévoles et de lieux visités, seize dans les Yvelines ! Dans tous les cas, il observe un même mal qui ronge les personnes, bien avant les soucis matériels, la solitude. Que les gens soient sans famille ou dotés de parents ou d’enfants…qui ne viennent plus les voir ! Inspiré par cette expérience et la rencontre du Père Gollnisch, il monte “Les Veilleurs de proximité” avec la paroisse St Antoine. Pendant une semaine, en duo, ils sonnent à toutes les portes des résidences de Parly II pour savoir si des gens ont besoin que l’on prie pour eux. Les surprises sont nombreuses et bien des personnes, heureuses de discuter, les font rentrer. Il monte, dans sa rue, un système d’alerte, pour mieux communiquer sur les besoins des uns et des autres, et imagine un “Repas de quartier”, qui a toujours un franc succès.
Permettre à l’autre d’exister
C’est sa femme Catherine, qui lui fait découvrir SOS Accueil où elle est déjà engagée. Ils découvre les racines de cette association versaillaise qui a constaté, dans les années 80, qu’il y avait bien des sans-abris, dans cette ville réputée riche. A l’époque, on crée même des lits pour l’hébergement d’urgence. Comment accueillir ces personnes de la rue, comprendre le parcours de vie qui les a mené jusque-là, les écouter, les aider, les rediriger ? Auparavant installée dans l’ancienne maison du directeur de Richaud, en face de la Caisse d’Epargne, leurs locaux déménagent l’année dernière, près de l’Avenue de Sceaux. “Nous avons deux grandes activités, explique Philippe, l’accueil de 9 a 12h d’une centaine de personnes, chaque matin, pour un petit-déjeuner solide, une douche, l’accès à des machines à laver et sécher, et près de 80 casiers pour y déposer leurs affaires. On les met d’aplomb physiquement et sur le plan de l’hygiène. Et l’après-midi, on les rencontre individuellement pour essayer de résoudre, débloquer des situations avec les assistantes sociales, les diriger vers d’autres relais d’aide, parfois les amener à construire un projet avec eux, tout en restant dans le “faire faire” et non “faire pour eux”. Mais lorsque l’on a fait tout cela, on n’a rien fait, ajoute-t-il. Créer un lien de confiance avec ces personnes, cela ne se fait pas en une poignée de mains. S’il ne vous connaît pas, un SDF ne vous parlera pas. Il faut poser des questions, mais pas trop ! Etre dans l’écoute active, d’égal à égal, ne jamais juger. Et pour créer la relation, il faut se revoir bien sûr, la répétition installe la confiance, les incite à revenir…”
Une école du don et de la patience
Aujourd’hui, l’origine des SDF fluctue au rythme des conflits internationaux, en ce moment beaucoup d’Africains de Somalie, d’Erythrée, des migrants du Yémen, il y a quelques années, ils ont reçu énormément de Tibétains, sur quelques mois ! Et toujours, bien sûr, des Français pour lesquels le chômage, un divorce, souvent une enfance chaotique expliquent leur parcours cabossé. A des âges avancés, certains recherchent encore leur géniteur, sont taraudés par leurs origines. “Chaque cas est un cas particulier” explique Philippe, parfois ils souhaitent juste se confier, poser leur fardeau, parfois ils ont des besoins très matériels comme la réparation de lunettes, l’achat de médicaments. Si on ressent une vraie fragilité psychiatrique, on les oriente vers l’hôpital de Plaisir. Caroline, un écrivain public, vient les aider à rédiger des courriers administratifs mais aussi un carte pour un ami en détention, un parent resté au pays ou un enfant dont ils n’ont pas la garde. “L’autre c’est le visage du Christ, c’est ce qui me porte, ce que je peux faire pour lui, c’est ma plus belle récompense” avoue notre bénévole, qui s’est démené, pendant 4 ans,, pour un couple vivant avec ses 7 chats, dans une caravane, pour lesquels il allait chercher de l’eau, dans des bidons. Enfin installés dans un logement, Philippe les a vus se transformer, même dans leur caractère ! “SOS Accueil, c’est une école du don et de la patience !” s’exclame-t-il. L’association a également créé un jardin-potager, pour resocialiser ces personnes, appelé non sans humour “le Jardin Le Vôtre” et un bus-fourgonnette qui va, au devant de ceux, qui ne souhaitent pas se rendre au centre, et que Philippe a tenu de nombreuses années. “Je travaille encore au Béthel, un autre lieu d’hébergement et de réinsertion, cette fois-ci, où nous accueillons 9 pensionnaires, toute l’année, pour construire avec eux un projet. Ils apprennent à gérer leur autonomie ensemble chacun dans le respect des autres. Le taux de réussite est de 30 à 40 % et c’est toujours une joie quand un locataire a réussi et part avec les moyens d’assurer sa propre vie. Pour lui c’est une renaissance ! Ce soir c’est moi qui fais le repas, les courses, c’est le moment d’un échange sur leur travail, les réussites et les difficultés…C’est un moment convivial comme un repas de famille” glisse-t-il dans un éclat de rire. N’importe qui peut prendre en charge un diner. Si quelqu’un veut tenter l’expérience il m’accompagnera pour un soir et j’espère qu’il sera convaincu de continuer. Surtout n’oubliez pas de parler de tous les gens fabuleux de SOS, Bernard, François, Frédérique…Sans eux, ce centre ne serait rien. Et on a besoin de bénévoles, venez, passez la porte, vous verrez, avec un peu de temps et d’écoute, on reçoit beaucoup de ceux que l’on rencontre ! Il y a au bout du chemin de grandes satisfactions pour chacun. On ne cherche pas à se rendre utile mais permettre à l’autre d’exister.”
Comment les aider ?
Vous pouvez partager l’une de leurs activités; temps d’écoute, préparation du petit-déjeuner à SOS Accueil, du diner au Béthel…Vous pouvez également les faire bénéficier de vos compétences en gestion, communication, droit, bricolage…et vous pouvez les soutenir financièrement (Dons et cotisations déductibles de vos impôts au taux de 75%)
SOS ACCUEIL, 20, rue de Noailles, 78000 Versailles, tel : 01 39 02 73 41 et administration@sos-accueil.fr