Cœur de Maman : un soutien face au handicap
Lorsqu’on est confronté à la maladie ou le handicap d’un enfant, de nombreuses questions se posent que les autres mamans ne se poseront jamais : mon enfant se fera-t-il des amis ? Quelle scolarité pour lui ? Comment gérer sa puberté ? Puis-je le confier à quelqu’un ? Le quotidien peut également devenir très compliqué, et parce que l’on ne veut pas étaler ses problèmes à son entourage, il n’est pas rare de vivre une certaine solitude qui peut s’avérer, à la longue, une souffrance de plus. C’est pourquoi Laure Paing et Marine Segard ont créé l’association Cœur de Maman : un lieu de parole pour les mamans d’enfants malades ou handicapés pour prendre soin de soi et avancer dans le quotidien avec son enfant différent.
Ne pas rester seule
La naissance d’un enfant malade ou handicapé provoque de multiples émotions. Certains vivent un choc à la naissance, d’autres se jettent à corps perdu dans des combats pour la survie de leur enfant. Nez dans le guidon, ils en oublient parfois leurs désirs, leurs besoins. Certains sont très entourés, tandis que d’autres subissent le déni de leurs familles. Si l’épreuve peut rapprocher des couples, d’autres en revanche ne résistent pas et se séparent. Toutes les situations, aussi différentes soient-elles d’une famille à une autre, ont comme dénominateur commun le cœur d’une maman. Un cœur souvent blessé et inquiet qui cherche du réconfort et un lieu pour s’épancher. « J’avais besoin de parler de ce que je vivais avec d’autres mamans qui vivaient la même chose que moi pour être mieux comprise et avoir des tuyaux » témoigne Elodie, maman d’Elouan à Versailles.
« Quand on est maman d’un enfant handicapé, soit les autres nous parlent uniquement de cet enfant, soit, au contraire, ils évitent le sujet. Bref, leur attitude n’est jamais complètement naturelle ni dénuée d’à priori. On se sent différente et de fait, ce que l’on vit, aussi bien dans notre cœur que dans notre quotidien, est différent » explique Marine Segard, co-fondatrice de l’association. Anne-Claire, son troisième enfant sur cinq, est né sans fémur, un handicap physique qui s’accompagne d’une légère déficience intellectuelle. Pour elle, il est nécessaire de partager ce qu’elle vit pour ajuster son rapport et ses réactions aux autres : « parler de mes soucis avec d’autres mamans comme moi me permet de ne pas me mettre à pleurer lors d’un dîner, ou de ne pas attendre telle ou telle réaction des autres qui ne vient pas ». Cœur de Maman apparaît alors comme une soupape pour ces femmes qui portent en continu les questions et les difficultés liées à la maladie de leur enfant. A Versailles, comme il n’existait en 2015 qu’un groupe pour les mères ayant perdu un enfant, Elodie en a constitué un pour celles d’enfants handicapés. Très vite, le groupe rassemble huit femmes venant de Versailles, Viroflay, Le Chesnay et même de Vernouillet : “elle était prête à faire tous ces kilomètres pour retrouver ce sas de décompression” indique l’animatrice.
Parler à cœur ouvert
La rencontre s’articule autour de deux temps : d’abord, la « météo » où chacune peut dire où elle en est dans sa vie, quels ont été les derniers événements et les émotions qui en découlent. Puis vient un temps de réflexion sur un thème qui a été choisi par le groupe et sur lequel les mamans ont travaillé au préalable avec un questionnaire (par exemple: les vacances avec notre enfant, l’annonce du handicap, le regard des autres, les langages de l’amour, etc.). « A Cœur de Maman, on peut vider son sac auprès de femmes qui nous comprennent. On peut s’autoriser à dire “je n’en peux plus de mon enfant” parce que les autres mamans savent de quoi on parle, et que ça ne veut pas dire qu’on n’aime pas notre enfant » raconte Marine. La famille et les amis, même quand ils sont disponibles et attentionnés, ne peuvent jouer ce rôle auprès de la maman, car, malgré toute l’aide qu’ils peuvent apporter, ils ne vivent pas la même réalité. Le père, quant à lui, semble vivre les choses différemment : « il y a une pudeur dans le couple à ce sujet qui n’est pas évidente » confie Marine. Au sein de chaque groupe règnent la bienveillance et une grande confiance entre les mamans. « Il n’y a que dans ce groupe où tu peux parler en vérité sans attendre de réaction de la part des autres (pitié, envie), c’est libérateur. Grâce à mon groupe Cœur de maman, j’ai eu plein de tuyaux et de conseils. C’est comme ça que j’ai connu la Roche Guyon qui nous a beaucoup aidés pour Elouan, que j’ai découvert le sur-bain ou la gastrotomie. Tout cela m’a aidée dans les choix médicaux que nous avons dû faire » raconte Elodie. Ces rencontres aident également à relativiser les difficultés de chacune et rendent plus fortes les mamans : « ça nous encourage à voir le positif dans nos vies et surtout, ça nous donne de la force parce qu’on se dit : elle l’a fait, donc moi aussi je peux le faire ! » témoigne cette maman de quatre enfants. La proximité des situations vécues fait naître de vraies amitiés et une communion très forte qui soutiennent dans le quotidien : « on n’attend pas la prochaine rencontre pour se donner des nouvelles sur Whatsapp ! ».
L’association
En 2003, Marine est mise en contact avec Laure, habitant aussi près de Lille et dont le 4ème enfant, Aymeric, est porteur d’un handicap. Après 4 années à rechercher les bons professionnels de santé, vient l’année charnière de l’entrée à l’école pour la majorité des enfants. La solitude et la différence se font plus cruellement sentir à cette étape importante de la vie sociale d’une famille. Aymeric a 4 ans quand Laure propose à Marine et Anne-France de se retrouver un après-midi par mois pour discuter autour d’une tisane. « Je sentais en moi le besoin d’en parler, de partager. Lucas, Anne-Claire et Aymeric, avaient des handicaps très différents, mais entre nous la compréhension a été immédiate parce que les soucis du quotidien nous rapprochaient : les joies, les peines, les micro-progrès que nous étions seules à voir » explique-t-elle. Rapidement, d’autres mamans les rejoignent. En 2007, elles décident de partir avec leurs familles à Lourdes pour vivre un événement marquant ensemble. Ce voyage est fondateur : là-bas elles font la connaissance de l’OCH (Office Chrétien des Personnes Handicapées, association qui relaie les informations et initiatives autour du handicap). Rien n’existe encore pour les mamans d’enfants handicapés, pourtant le besoin est là. Une quinzaine de mères se réunissent déjà dans le Nord, mais c’est en 2010, à l’occasion de la première « journée des mamans » de l’OCH à Paris, que « Cœur de Maman » se fait connaître et ouvre un premier groupe dans la capitale. Aujourd’hui, 50 groupes partout en France aident près de 350 femmes à rester debout grâce à ces « petits lieux de réconfort et de dynamisme ». Pour certaines femmes, parler est encore trop dur. L’acceptation du handicap est un chemin souvent long et douloureux. A ces mères, Marine veut dire : « Cœur de Maman a accéléré en moi l’acceptation, m’a aidée à être moins centrée sur mon enfant, à être disponible aussi pour les autres, et surtout, m’a aidée à retrouver la joie ! ».
Pour en savoir plus :
www.coeurdemaman.net | contact@coeurdemaman.net | contact Yvelines Sud : Christine Mancheron chmancheron@yahoo.fr | 06 85 21 78 98