Potagers d’entreprise : la recette du bonheur au travail selon Marie-Liesse Delmas

Anaïs Philippon - 8 mars 2021

Utiliser les espaces verts des entreprises pour aménager des potagers avec les salariés, voilà la nouvelle start-up tout juste sortie de terre par Marie-Liesse Delmas qui nous raconte sa genèse.

Versailles, Paris, Angers… et Versailles : elle en est partie bachelière pour y revenir entrepreneuse après des études de psychologie, de communication et plusieurs années dans le conseil en performance commerciale. Ce voyage initiatique, tout comme celui de Candide (vous verrez pourquoi), permet à Marie-Liesse de prendre peu à peu conscience du décalage entre sa vie professionnelle et ses aspirations profondes : « J’avais de bonnes notes au lycée mais je ne savais pas vers quoi m’orienter, et quand on est pris à PsychoPrat ça ne se refuse pas ! » Mais c’est au grand air que cette fan de sport et de scoutisme s’épanouit. En 2018, elle décide de se former à la permaculture pour faire un potager dans la maison de campagne de ses parents. Non seulement ce qu’elle apprend la passionne, mais il semble qu’elle possède, en sus, la main verte : « dès la première récolte on a eu 200 tomates, 40 courgettes, 18 butternuts, et des tonnes d’autres légumes, c’était dingue ! » Émerveillée par la prodigalité de Dame Nature, Marie-Liesse se désole de ne pouvoir mettre à profit les espaces verts qu’elle voit dans la ville : le moindre petit carré pourrait donner tant de fruits ! Sans compter les bénéfices écologiques que cela pourrait avoir. C’est finalement un reportage diffusé sur France 3 qui lui inspire l’idée maîtresse : « ça parlait d’une femme qui installait des potagers d’entreprise à Rouen et ça marchait très bien. Je me suis dit que c’était le job de mes rêves. » Toutefois, ce n’est que deux ans plus tard qu’elle se lance, les deux mains dans la terre… la faute à Voltaire !

©Cultivons notre jardin et ©Art Shooting/Gwenola de Crémiers

Une philosophe en herbe

Depuis qu’elle a quitté les bureaux pour mettre pied à terre, Marie-Liesse n’en est devenue que plus philosophe : jardiner nous ramène à la réalité et permet de renouer avec soi-même. Prendre soin des plantes c’est prendre soin de soi-même car on quitte le virtuel pour s’occuper du vivant auquel on appartient. Cela nous fait aussi revenir au temps réel, le rythme des saisons apaise le cœur de l’homme, il n’y a plus cette course folle à la performance. L’observation de la nature nous rend plus sages… C’est donc avec toute une réflexion derrière son projet qu’elle décide de baptiser son entreprise « Cultivons notre jardin », s’inspirant de la dernière phrase de Candide dans le célèbre conte philosophique. La jeune femme de 29 ans garde une pensée compatissante pour tous ceux qui se trouvent enfermés du matin jusqu’au soir, dans des tours de verre ou de béton, sans jamais faire l’expérience du travail de la terre qui a transformé sa vision des choses et qui lui semble si fondamentale à présent.  Marquée par ses années en agence de communication et en cabinet de conseil où la rentabilité et le stress prévalent souvent, elle veut, avec son entreprise, agir sur le bien-être au travail : « le travail au contact de la nature développe les sentiments d’accomplissement et de confiance en soi, car on profite très vite des fruits de son action. Quand on mange une carotte qu’on a fait pousser, cela provoque un grand sentiment de satisfaction et d’épanouissement. Certains salariés ne voient jamais les retombées concrètes de leurs heures passées derrière un écran, ils perdent le sens ; alors que la terre, féconde et nourricière, nous rend à la fois fiers de nous et reconnaissants envers la nature. » En plus de ces bienfaits, elle y voit un moyen idéal pour les salariés de se détendre lors d’une pause déjeuner et de déconnecter complètement du boulot. Ce qui leur permet d’être d’autant plus concentrés et efficaces ensuite dans leur travail. « C’est bénéfique aussi pour l’entreprise, car un salarié heureux, épanouit, est aussi plus productif. Un salarié qui a eu un vrai temps de pause et de déconnexion  est un salarié moins stressé et plus investi. » Pour la jeune maman, l’enjeu est aussi écologique : en faisant connaître au plus grand nombre les principes de la permaculture, elle souhaite sensibiliser les gens à d’autres modes de production moins polluants et plus respectueux de la nature. « Je me dis que ça pourra aider certaines personnes à se lancer chez elles, et que ce ne peut être que bénéfique pour eux et pour la planète ». En plus de la notion de transmission, elle estime que cela peut également éveiller les consciences à une alimentation plus saine et à une consommation plus responsable, et qui sait, même, à susciter des vocations ! ( D’ailleurs, si vous aussi vous avez adoré Tistou les pouces verts, Marie-Liesse cherche une collaboratrice commerciale et passionnée pour changer le monde).

©Art Shooting/Gwenola de Crémiers

Une optimiste réaliste

Toute candide qu’elle soit, Marie-Liesse n’a cependant pas les deux pieds dans le même sabot. Concrètement, comment cela se passe-t-il ? L’entreprise propose aux salariés qui le souhaitent une activité de jardin potager. C’est Sandrine Barennes, formatrice en permaculture (qui a initié Marie-Liesse), et membre de l’Association des Colibris à Versailles, qui intervient sur la pause-déjeuner des salariés pour mettre en place avec eux leur potager. « On décide ensemble du plan de culture, tout est possible : radis, courges, tomates, panais, choux, poireaux, haricots grimpants, cerises, fraisiers, basilic… » énumère-t-elle amoureusement. Une saison s’étale de mars à novembre, puis la terre doit reposer trois mois. En permaculture, chaque plante doit avoir deux rôles, et les fleurs aussi sont de la partie : « par exemple, la capucine est à la fois belle et pratique car elle attire les pucerons, elle agit donc comme un paratonnerre. Le haricot, quant à lui, capte l’azote de l’air pour le réinjecter dans le sol et peut grimper en hauteur, donc il est utile à côté des courges qui sont rampantes et qui ont particulièrement besoin d’azote ». Marie-Liesse parle de ses légumes comme de ses petits : elle les connaît intimement ! Pour l’installation, elle se sert de bacs potagers à réserve d’eau. Il s’agit de structures dans lesquelles les différentes couches (terreau, tissu géo textile, parois poreuse et billes d’argile) permettent une irrigation par capillarité et assurent une autonomie de trois semaines sans arrosage si les salariés sont en vacances. Pas besoin d’hectares, un balcon suffit puisque les bacs mesurent 125 cm sur 125 cm. Les salariés peuvent se partager les récoltes, ou bien les donner au cuisinier qui les servira à la cantine de l’entreprise. Ils peuvent aussi concocter un panier d’accueil pour des nouveaux arrivants ; bref, à chaque « club potager » de décider ce qu’il veut faire !

ML Delmas et Sandrine Barennes ©Art Shooting/Gwenola de Crémiers

Marie-Liesse, quant à elle, vient de finaliser son site Internet et continue de se former à l’Ecole Nationale de Paysagisme au Potager du Roi. Elle envisage déjà des partenariats auprès d’établissements scolaires dans les Yvelines qui souhaiteraient impulser un élan écologique. Avec son capital de verdure, le département offre en effet un vaste champ de possibilités pour « Cultivons notre jardin ». Les entreprises pourraient peut-être même faire valoir leur potager comme activité de compensation écologique. Bref, c’est pour le monde de l’entreprise une magnifique opportunité et une belle aventure qu’on aimerait voir fleurir au pied de tous les buildings !

Cultivons notre jardin |  site Internet | Linkedin | Instagram |

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