Le Rocher : des Versaillais en mission
Article écrit par Caroline Duclert.
Émeline et Paul de Lattre ont embarqué avec eux leurs quatre enfants dans leur engagement radical, dans la cité des Mureaux (78). Et aujourd’hui, c’est toute la famille qui, après bientôt trois ans a accepté de se laisser déranger dans son quotidien et a osé la rencontre, vit heureuse et épanouie, dans l’espérance d’une société plus humaine.
Depuis leur mariage il y a une douzaine d’années, ce couple de trentenaires souhaitait s’engager, poser sa pierre pour bâtir la civilisation de l’Amour. Ils voulaient partir, mais sans tout « balancer », tout renier. Ne pas partir pour de mauvaises raisons. Alors, c’est dans une période de grande stabilité pour eux qu’ils ont décidé de quitter Versailles où ils habitaient depuis six ans. Le déclic ? Un week-end de discernement avec l’association Le Rocher Oasis des cités, à l’automne 2016. On avait besoin d’eux d’ailleurs ! Cet ailleurs, c’était dans la cité des Mureaux. On leur proposait d’aller à la rencontre de jeunes et de familles mis en marge de la société française. Ils ont dit oui. La Cité, c’est un ghetto aux règles très particulières, nous explique Emeline. Ici, les défaillances du monde sont mises à nu, à cause de la proximité. La jeune femme reconnaît qu’il leur a fallu un gros brin de folie pour accepter ainsi de sortir de leur zone de confort. Pourtant, tout semble s’être fait sereinement, rapidement. Ils se sont sentis libres et ils ont choisi d’aller habiter dans la cité.
Leur quotidien aux Mureaux ?
L’antenne des Mureaux du Rocher (l’association compte neuf antennes dans différentes villes de France) propose de nombreuses activités tout au long de la semaine. Cours de français pour les adultes, soutien scolaire pour les enfants, café philo et aide à la reconversion pour des jeunes, camps etc. Ces activités reposent sur la famille de Lattre mais aussi et surtout sur les volontaires et bénévoles qui viennent les animer. Eux gèrent l’emploi du temps de tous ces animateurs, sont le lien entre eux et la maison mère de l’association. Ils sont porteurs des valeurs du Rocher. En tant que responsables d’antenne, Émeline et Paul sont presque des chefs d’entreprise, car l’association a besoin de fonds, et encore plus en ces temps de crise sanitaire qui frappe d’abord les plus fragiles. Mais pour eux, leur vrai rôle n’est pas que là. Après presque trois ans, ils l’ont bien compris : pour créer des ponts et des amitiés solides, il faut faire tomber les peurs qui existent de chaque côté. Venir habiter au milieu des gens. Être leurs voisins, en toute simplicité, ne pas se cacher derrière la carte de visite du Rocher, c’est aussi ce qu’ils ont choisi de faire et d’être. Être présents tout entiers, être ouverts. Ils ont fait de la place dans leur vie pour l’imprévu. Car la cité regorge de richesses et de talents, cachés derrière la violence et l’insécurité.
Ce qu’ils en tirent aujourd’hui ?
Émeline avoue s’être souvent sentie pauvre, démunie. Dans la cité, il ne faut pas s’attendre à être un sauveur. Souvent la frustration et le désespoir auraient pu prendre le pas sur leur mission. Pourtant, la Foi, la Communauté de l’Emmanuel à laquelle ils appartiennent et la direction du Rocher ont toujours veillé et les soutiennent inconditionnellement. Il leur a fallu apprendre à s’intéresser vraiment aux gens, gratuitement, avec patience, dans l’acceptation qu’il n’y ait pas forcément de changements immédiats. On ne sait pas toujours ce que l’on sème. Leur mission les surprend chaque jour et a uni leur couple et leur famille. Pour ces jeunes parents, ces années en cité sont le plus beau cadeau qu’ils puissent faire à leurs enfants. Car aujourd’hui, Philippine, Jacques, Côme et Pia sont heureux et bien dans leurs baskets, comme n’importe quels enfants, mais ils ont aussi appris la tolérance et la joie dans un monde multiculturel.
Et pour la suite ?
Aujourd’hui, en temps de crise du COVID 19, il leur faut repenser immédiatement et pour les semaines à venir, la façon qu’a l’antenne de soutenir des centaines de familles qui ont beaucoup souffert du confinement. Puis, en juillet, ils passeront le flambeau à d’autres. Leur mission aux Mureaux se terminera. Non pas comme une parenthèse que l’on referme, mais plutôt comme un nouveau départ. Paul et Émeline savent qu’ils ont besoin de retrouver un peu de leur vie personnelle et amicale, d’un quotidien plus léger. Pourtant, ils veulent garder dans leur « vie d’après » cette faculté à se laisser déranger, à toujours garder de la place pour celui ou celle qui aura besoin d’eux. Des Mureaux, ils n’oublieront pas la simplicité de l’accueil, l’hospitalité et le courage de certains qui osent croire au Bonheur.
Un immense merci à Émeline pour son témoignage sincère, comme une invitation à nous laisser, nous aussi, Versaillaises efficaces et pragmatiques, reines de l’organisation, toucher par l’imprévu.
POUR ALLER PLUS LOIN, découvrez l’association Le Rocher : assolerocher.org