Rencontre avec Albane Moulin-Fournier : doreuse sur bois

France Martin-Monier - 13 décembre 2021

C’est en passant la porte d’une jolie cour de la rue Montbauron que j’ai rencontré Albane. Après avoir parcouru le monde en famille pendant une dizaine d’années, elle s’est installée à son compte à Versailles depuis maintenant 2 ans. Elle a décidé de s’implanter dans la ville royale et d’y développer son activité de doreuse sur bois, un métier essentiellement féminin qui utilise des savoir-faire ancestraux pour donner une nouvelle vie à une œuvre d’art.

Quel est ton parcours ? Pourquoi la dorure sur bois ?

Enfant, j’aimais dessiner, sculpter, j’aimais la botanique, avoir les mains dans la terre, c’est pourquoi je me suis orientée vers un deug de biologie. Mais je n’envisageais pas un parcours de professeur ou de chercheuse. C’est de façon imprévue, lors d’un séjour à Avignon, en me promenant, que je suis entrée dans un atelier de dorure et immédiatement cela s’est imposé à moi : “voilà ma voie” !

J’ai décidé d’aller en Italie me former à l’Istituto per l’arte e il restauro à Florence au Palazzo Spinelli. En parallèle, j’ai travaillé pendant un an chez un doreur qui m’a appris toutes les techniques italiennes. Passionnée, un master de conservation et de restauration des biens culturels à La Sorbonne Paris I a complété ma formation italienne. Ce master m’a permis d’être restauratrice du patrimoine habilitée à travailler sur les collections publiques. J’ai pu commencer à exercer en partenariat avec une autre doreuse, Marie, pour la restauration d’objets d’art. J’ai actuellement une clientèle de musées et de châteaux comme celui de Fontainebleau ou de la Malmaison, mais j’aimerai développer celle de particuliers et de collectionneurs.

Palette des dorés, socle en forme de boule d’un crucifix et travail sur un cadre ©Art Shooting

Quels objets d’art restaures-tu ? Où et comment travailles-tu ?

Les objets que je restaure peuvent être :

Le cadre, d’abord un peu ignoré, a acquis ses lettres de noblesse et est devenu au fil du temps partie intégrante de l’œuvre.

J’ai un atelier à la maison mais j’aimerai beaucoup en avoir un dans un lieu dédié à l’artisanat d’art car si j’aime travailler seule, il est aussi très stimulant d’être entourée d’autres artisans. Cela m’arrive quand je réponds à des appels d’offre et que le travail se fait sur place : les objets d’art nécessitent alors l’expertise d’ébénistes, de tapissiers, d’artisans canneurs… en plus des doreuses !

Mes outils sont les pinceaux et les matières utilisées dans mon quotidien sont la colle de peau de lapin, le blanc de Meudon, l’alcool teinté…

Pour faire comprendre à mes enfants la technique de la dorure sur bois, je me suis amusée à leur montrer comment dorer une plaque en bois. Je mélange colle de peau de lapin et blanc de Meudon pour faire une “pâte à crêpe” que j’étale sur ma plaque de bois. Je ponce pour obtenir une plaque très lisse. En mélangeant ensuite de l’argile avec de la colle de peau de lapin, j’obtiens “une assiette” (une sorte d’enduit) que je pose sur ma pâte à crêpe. Ce n’est qu’ensuite que je pose la feuille d’or. Cela permet de comprendre comment tous les objets en bois sont dorés.

Pour remplacer des parties de décors disparus d’un cadre (raie de coeur, piste, ove, palmette),  j’utilise une pâte en silicone qui va me donner la forme du décor. Je pourrai ensuite fabriquer du gros blanc (mélange de colle de peau et blanc de Meudon) que je positionne dans mes moules en silicone et ainsi, après un temps de durcissement, j’aurai la forme adéquate qu’il faudra ensuite coller et dorer. En ce moment, je restaure le cadre d’une peinture de Vigée Lebrun pour les collections de la ville de Saint-Germain-en-Laye.

Je travaille avec des feuilles d’or de différents carats et de différentes teintes (rouges, vertes ..) parce qu’elles ont été fabriquées en les mélangeant avec d’autres métaux comme le cuivre ou l’argent. On reconnait la période de l’histoire de l’œuvre à la couleur de la feuille d’or : le vert pour l’Empire, le rouge pour les XVII et XVIIIème siècles par exemple.

Outils du doreur ©Art Shooting

Quelle satisfaction trouves-tu dans ton travail ?

Je viens de remettre à neuf la porte d’un tabernacle espagnol du XVIIème siècle avec une statue d’un Christ Ressuscité pour un particulier : l’œuvre est de toute beauté. Pour que mes rénovations soient harmonieuses, je teinte l’ensemble avec une patine de façon à ce que l’oeil ne soit pas choqué par la superposition des époques.

Tout est Harmonie et Beauté. Il y a beaucoup d’émotions à s’imprégner des techniques anciennes en utilisant des matières qui existent depuis la nuit des temps. C’est aussi très satisfaisant de redonner vie à une œuvre et de savoir qu’elle s’inscrit dans une histoire, dans une culture, dans une région et une époque. Je n’ai jamais le même objet à restaurer et il faut sans cesse s’adapter pour trouver la meilleure façon possible de donner cette seconde vie : cela demande de la créativité.

Albane applique une feuille d’or sur un cadre ©Art Shooting

Si vous êtes gestionnaire d’un château, d’un musée ou si vous êtes un particulier, collectionneur, marchand d’art, commissaire priseur n’hésitez pas à contacter Albane pour un travail soigné et dans le plus grand respect de l’œuvre d’art. 

Contact : Albane Moulin-Fournier | 06 40 15 93 40‬ | albane.mf@gmail.com

Photo À la une ©Art Shooting

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