Rencontre avec Clotilde de Lesquen, au service des plus fragiles
zOOm a rencontré Clotilde de Lesquen, investie au service des personnes en situation de handicap. Celle-ci a plus que jamais été utile pendant cette période de crise pour maintenir le lien avec ces personnes fragiles.
Clotilde, tu travailles depuis 10 ans au sein de l’Association Tutélaire des Yvelines (ATY) , quelles sont les missions de cette association et quel rôle y joues-tu ?
Les missions de l’association sont d’exercer les mesures de protection des majeurs (tutelle, curatelle, sauvegarde) qui lui sont confiées par les tribunaux de Saint- Germain-en Laye, Poissy, Mantes, Versailles et Rambouillet. Au sein de cette association, il y a 25 délégués qu’on appelle des mandataires judiciaires à la protection des majeurs. Leur rôle est d’assister ou de représenter, selon la mesure de protection prise par le juge, 1 500 personnes handicapées physiques ou mentales dans la plupart des actes de leur vie civile et de superviser leur compte bancaire. Il faut pour cela créer un lien de proximité, une écoute attentive avec ces personnes fragilisées et quelques fois marginalisées. Le mandataire judiciaire est souvent leur seul lien avec l’extérieur.
Aujourd’hui, j’encadre cette équipe de mandataires judiciaires, après avoir été mandataire judiciaire moi-même pendant 7 ans.
Quel est le chemin qui t’a conduit à devenir mandataire judiciaire à la protection des majeurs ?
Je suis juriste, spécialisée en droit des affaires mais après 10 ans d’interruption pour m’occuper de mes enfants, je souhaitais m’orienter vers un métier qui allie à la fois le droit et le social et qui ait du sens. Après un bilan de compétences et différentes rencontres, l’accompagnement des personnes en situation de handicap m’a tout de suite intéressée. Jamais une situation ne ressemble à une autre. Il faut savoir sans cesse s’adapter en fonction de chaque personne rencontrée.
Je m’entends très bien avec mon équipe qui est très facile à motiver car très impliquée : être mandataire judiciaire n’est pas un choix fait au hasard car il requiert beaucoup d’investissement humain.
Qu’est ce qui te plaît dans ce métier ? Et qu’est ce que tu as appris ?
J’aime allier ces deux composantes administrative et sociale.
J’aime travailler avec les nombreux interlocuteurs qui gravitent autour de la personne fragile : le juge, le notaire, le psychologue, les assistantes sociales, les aides à domicile, la famille, parfois même avec le médecin ou le chirurgien s’il y a une maladie grave et que notre présence est requise lors des rendez-vous médicaux…
Ce métier nécessite de prendre du recul. Même si nous expliquons beaucoup ce que nous faisons et pourquoi à ces personnes fragiles, nous les privons d’une certaine liberté qui peut les rendre agressives à notre encontre. Pour nous améliorer et nous adapter aux situations, nous suivons des formations sur les différentes pathologies, un psychologue vient régulièrement au sein de l’ATY pour discuter avec nous sur les réactions qui nous ont paru difficiles à comprendre.
En ce moment, comment faites-vous pour ne pas perdre le lien essentiel que vous avez avec toutes les personnes que vous suivez ?
Aucun membre de mon équipe ne s’est arrêté. Nous sommes en télétravail et certains viennent à tour de rôle dans les locaux. J’y vais deux fois par semaine. Ayant à sa charge une cinquantaine de personnes en situation de handicap, chaque mandataire judiciaire est resté en contact avec celles-ci par téléphone ou skype très régulièrement chaque semaine. Nous nous sommes déplacés aussi chez ces personnes quand il le fallait, en particulier pour celles qui sont dans des logements autonomes.
Peux-tu me raconter quelques anecdotes qui t’ont marquée ?
J’ai longtemps accompagné une femme d’une quarantaine d’années, déficiente mentale, avec un jeune enfant. Au fur et à mesure de nos rencontres, nous avons fait connaissance et elle a su que j’avais un enfant de l’âge du sien. Un jour, venue pour différentes démarches administratives, je l’ai sentie très inquiète. En effet, elle avait peur qu’on lui retire la garde de son enfant. Elle ne lui donnait à manger que ce qu’il voulait : souvent des bonbons et autres plats sucrés. L’assistante sociale lui avait indiqué qu’elle devait lui préparer des légumes. Mais cette femme ne savait pas préparer des légumes et elle était obnubilée par cela, elle ne cessait de me le répéter. J’ai donc préparé avec elle une sauce béchamel en lui disant que son fils aimerait mieux les légumes ainsi cuisinés et qu’il en mangerait. Une fois cette sauce réalisée, elle fût rassurée et nous avons pu parler des démarches administratives à effectuer !
Un jour, j’avais rendez-vous dans un foyer pour personnes polyhandicapées et malentendantes. Il y avait beaucoup de bruits. En arrivant, je fus saisie par le brouhaha. Je devais rencontrer une femme autiste et je me disais intérieurement que, bien sûr, j’essaierai de la voir mais que c’était surtout l’équipe qui s’en occupait à qui je devais parler. Or il s’est avéré que, petit à petit, s’est créé un lien ténu mais un lien tout de même fait de gestes et de signes. Cette femme me reconnaissait et il fallait qu’elle “me place” à un certain endroit de la pièce pour pouvoir se sentir bien et s’habituer à ma présence.
Ces expériences m’ont vraiment enrichie et fait progresser dans ma compréhension de l’univers des personnes en situation de handicap.
Merci Clotilde de cet entretien et bravo pour ton investissement auprès des personnes fragiles et si jamais l’envie vous tente d’exercer un job qui ait du sens, vous pouvez contacter l’association qui a toujours besoin de nouvelles recrues !
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