Qui nous fait de l’œil à Versailles aujourd’hui ?

Bénédicte FAUCHEUR SONET - 7 janvier 2025

Sentez-vous cet air frais qui règne à Versailles ? Voyez-vous cette ambiance bucolique qui coule dans nos rues ? Pensez-vous que seule la Prairie des Moutons, le Hameau de la Reine ou la Ferme de Gally abritent des ovidés ou des bovins ? Si vous ne craignez pas de nous suivre sans avoir pris le temps de chausser vos bottes alors nous vous emmenons le nez en l’air à la recherche des œils-de-bœuf de notre ville royale.

L’œil-de-bœuf, un élément décoratif et utile

De forme ronde ou ovale, l’œil-de-bœuf dans lequel nous plongerons nos yeux aujourd’hui n’a rien d’animal. Il est le nom donné en architecture à cette ouverture qui nous rappelle la régularité et la grosseur de l’œil dudit bovin. Il est possible de le retrouver en façade, mais également sur les toitures. Son rôle est de faire entrer la lumière dans des endroits très précis et secondaires qui nécessitent un éclairage (combles, escaliers, couloir, pièce aveugle) et en fonction des époques, il peut également être un ornement très décoratif en extérieur.

Le mot œil-de-bœuf appliqué en architecture apparaît dans la langue française au XVIe siècle, il orne surtout les édifices religieux dans un premier temps. Son essor dans la construction se voit dans l’architecture baroque avec une forme ovale.  François Mansart (1588-1666) architecte renommé à qui sont attribuées faussement les toitures mansardées, mais qui en est bien cependant le meilleur promoteur, utilise l’œil-de-bœuf pour éclairer les combles spacieux qu’offrent ses toitures. Aujourd’hui l’œil-de-bœuf séduit toujours par sa forme, ses différentes possibilités d’agencement et les diverses ouvertures qu’il propose. Mais surtout dans notre ville de Versailles, il trône redoré en bonne place royale dans notre Château, en façades ou sur les toits de nos habitations.

Un sacré Œil-de-Bœuf

Antichambre de l’Œil-de-Bœuf © Château de Versailles / Thomas Garnier.

L’Antichambre de l’œil-de-bœuf

Le plus discret, mais le plus central, le plus royalement doré, celui qui aurait tant à raconter, l’œil-de- bœuf le plus majestueux de notre ville, se cache au cœur de la résidence royale, dans le corps central du Château. Vous le trouverez dans l’antichambre qui porte son nom, l’Antichambre de l’Œil-de-Bœuf, véritable salle d’attente pour accéder à la Chambre du Roi . Gardien silencieux de nombreux secrets, il a vu passer tant de grands et de courtisans de la cour et il continue encore aujourd’hui avec les hordes de touristes qui passent sous son œil sans forcément y porter le regard.

L’Antichambre de l’Œil-de-Bœuf est l’une des dernières réalisations architecturales de Louis XIV à Versailles. Avant son aménagement, deux pièces se trouvaient à son emplacement, le salon des Bassans et l’ancienne chambre du Roi. En 1701, Louis XIV demanda le réaménagement d’une partie de son grand appartement. Jules Hardouin Mansart, son architecte préféré et petit neveu de François Mansart, se chargea de superviser les travaux.  La chambre fut transférée dans un salon qui est l’actuelle chambre du roi. La cloison qui séparait le salon des Bassans et l’ancienne chambre fut abattue créant ainsi une nouvelle pièce. Y fut installée la fameuse fenêtre en œil-de-bœuf qui nous fait de l’œil aujourd’hui, et qui éclaire les plafonds et décors blanc et or si novateurs à l’époque de son ouverture.

Une restauration complète de cette antichambre a été lancée en février 2023, dont vous pouvez retrouver un documentaire ici. De nombreux artisans d’art se sont relayés pour redonner sa superbe à ce salon qui, depuis l’été dernier et grâce aux JO, se présente devant nous comme au temps de Louis XIV.

Alors allez-y, courez redécouvrir ce patrimoine et surtout levez le nez quand vous entrerez dans l’Antichambre de l’Œil-de-Bœuf, car n’oubliez pas que vous êtes regardés !

Les œils-de-bœuf de la cour de marbre et de la Chapelle Royale

Façade et Chapelle Royale du Château de Versailles

© Château de Versailles / Thomas Garnier.

Quand vous aurez fini vos salutations au Roi et que vous vous apprêterez à quitter la demeure royale, nous vous invitons à jeter un dernier coup d’œil à la façade du corps central et à la Chapelle Royale.

Au-dessus de la cour de marbre, six œils-de-bœuf vous regardent partir.  Pour garder la chambre du Roi, ils ont sorti leurs décors d’apparat et ourlé leurs contours de feuille d’or.  Mais c’est sans commune mesure avec ceux qui gardent la Chapelle Royale. Au nombre de six également mais répartis tout autour de la toiture supérieure, ils sont véritablement majestueux. Chaque œil se pare d’une couronne royale encadrée par deux têtes d’ange. Leurs décors de plomb restaurés et redorés depuis les récents travaux terminés en 2021 ont permis à ces œils-de-bœuf d’étinceler à nouveau. La vidéo suivante vous replongera dans l’ampleur des restaurations. Revoir ces décors orner la Chapelle Royale est un ravissement que vous aurez peut-être la chance de continuer à admirer d’un peu plus loin dans Versailles, ils irradient tellement de leur beauté.

Un œil-de-bœuf très spirituel

Cathédrale Saint Louis et Église Sainte Jeanne d'Arc

© cathédrale Saint Louis et © ArtShooting Photographie/Gwenola de Crémiers

D’un bord à l’autre de Versailles, nous vous emmenons maintenant à travers nos rues versaillaises à la poursuite de ces rencontres animales. Poussés par notre esprit curieux, nous arrivons devant des édifices religieux. Construite entre 1743 et 1754, côté rive gauche, la cathédrale Saint Louis  nous accueille dans un style rocaille. Cette dame de pierre habille de sa prestance le quartier Saint Louis. De l’autre côté de Versailles, l’église Sainte Jeanne d’Arc édifiée entre 1923 et 1926 anime spirituellement avec la synagogue de la rue Albert Joly, le quartier Rive droite. Ces deux édifices qui nous arrêtent, nous offrent des versions ophtalmiques de styles très différents. Néanmoins sur leur dôme respectif, trône, chacun à la mode de leur temps, une ceinture d’œils-de-bœuf. Ils sont comme des yeux curieux qui plongeraient leur regard à travers la coupole pour observer ce qui se passe à l’intérieur ou bien des yeux qui chercheraient à établir un lien entre la terre et le ciel.  À vous de voir.

L’œil-de-bœuf sur les toits

Des oeils-de-boeuf sur les toits de Versailles

© ArtShooting Photographie/Gwenola de Crémiers

Laissons le Roi et le bon Dieu et filons toujours le nez au vent à hauteur de toiture pour découvrir les combles et les derniers étages de nos bâtiments. Plus ou moins richement habillés de zinc ou de pierres taillées, l’œil-de-bœuf séduit les maisons comme les immeubles de toutes les époques. Seul, en paire, ou regroupé, il peut aussi se décliner pour un même bâtiment sous plusieurs tailles. Quelques-uns de nos édifices n’ont rien à envier à nos voisins parisiens. Nous vous proposons de vous attarder spécialement sur la toiture qui abrite la Caisse D’épargne au 43 ter rue du Maréchal Foch. Confiez à vos têtes blondes l’inventaire de ses petites ouvertures rondes et qu’ils ne négligent aucune pente de toits. Il leur faudra plus de leurs dix doigts.  La fantaisie accompagne l’œil-de-bœuf, il n’y a décidément pas de règle pour attirer le regard.

Face à face avec l’œil-de-bœuf

© ArtShooting Photographie/Gwenola de Crémiers

Nous terminerons notre exploration bovine versaillaise par un petit tour des façades très accessibles à tous les curieux, les amoureux du patrimoine, ou tout simplement les badauds.  Un jeu d’enfant que vous pourrez vous amuser à faire seul ou avec les vôtres. Il suffit de regarder. Vous découvrirez alors qu’il existe une multitude d’exemples d’œils-de-bœuf qu’il nous est impossible de contenir entièrement ici dans ces lignes.  Avec ou sans grille de protection, avec ou sans fioritures, ovale, vertical ou horizontal, décoré de briques, de pierres, de zinc, vernissé, etc. Un vrai catalogue… Il agrémente les façades de notre ville avec une certaine fantaisie que nous voulons vous transmettre aussi. Vous apprendrez à l’aimer autant que nous, le virus s’attrape vite !

Profitez pleinement de cette chasse aux yeux et si l’un d’entre eux vous fait de l’œil, laissez-vous séduire et n’hésitez pas à partager une photo de votre conquête avec nous (en tagguant le compte @zoomversailles sur Instagram par exemple), elle étoffera notre album. De notre côté nous vous laissons vous amuser sous les yeux des bœufs, nous sommes attendus… Nous avons rendez vous avec « les chiens assis » versaillais. 

Photo à la une : Œil-de-Bœuf restauration antichambre © Château de Versailles / Thomas Garnier.

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