L’hôtel de Bouillon à Versailles : une demeure édifiée en 1670 qui a traversé les siècles

France Martin-Monier - 13 mars 2025

C’est en 1670 que le duc de Bouillon, Godefroy Maurice de la Tour d’Auvergne (1636-1721), Grand Chambellan de France sous Louis XIV, fait construire cet hôtel particulier au 2 bis rue Carnot. Il traversera tout le XVIIIe siècle au sein de la même famille, sera vendu en 1820, remanié et rénové au gré de ses propriétaires successifs.
Aujourd’hui, meubles et objets d’art sélectionnés avec goût pour le plus grand plaisir des amateurs et collectionneurs y sont mis en lumière par la galerie Pelat de Villedon. L’Hôtel de Bouillon redevient une demeure habitée au milieu des oeuvres d’art exposées.

zOOm est allé y faire un tour pour vous le faire découvrir.

Hotel de Bouillon Portrait de Louis Le Vau attribué à Pierre Rabon, peint vers 1662 et Godefroy Maurice de la Tour d’Auvergne (1636-1721)) par Robert Nanteuil (1623-1678).

L’année 1670 marque à Versailles une étape dans l’édification des hôtels particuliers.

De nombreux courtisans sont assurés de l’importance de Versailles, consacrée par la fête du Grand Divertissement royal le 18 juillet 1668 (afin de célébrer la paix d’Aix-la-Chapelle ainsi que la première conquête de la Franche-Comté). Cette fête ne dure qu’une soirée. Elle se déroule dans les jardins entourant le château. Se succèdent une collation au bosquet de l’Etoile, un festin, un bal, une comédie-ballet créée par Molière, Lully et Pierre Beauchamp « Georges Dandin ou le Mari confondu », et enfin un feu d’artifice tiré depuis la pompe de l’étang de Clagny.

Les courtisans sont des serviteurs de l’État, tels que Louvois, l’un des principaux ministres de Louis XIV ou le Grand Chambellan comme le duc de Bouillon.

Le Grand chambellan a la direction de la chambre et de la garde-robe du roi. Cet office procurait une très grande proximité avec la personne royale. Le Grand Chambellan occupe le second rang dans les réceptions d’ambassadeurs, sert le roi à table et lui présente sa chemise au lever. Il signe les chartes et les documents importants, et assiste avec le roi au jugement des pairs. Il a la garde du sceau secret et du cachet du cabinet, reçoit les hommages rendus à la Couronne, fait prêter les serments de fidélité en présence du Roi.

Chacun se hâte de faire construire une demeure, pour pouvoir suivre le roi dans sa résidence de plaisance. Versailles devient ainsi pour la cour un lieu de séjour. Le prix d’un hôtel particulier varie généralement de 15 000 à 45 000 livres (330 000 euros à 1 million d’euros). L’architecture des hôtels est réglementée, conférant à la ville un caractère unitaire. Dès le début du XVIIIe siècle, les règles furent cependant de plus en plus enfreintes. Le mobilier et le décor,  y sont moins luxueux que ceux de Paris, car l’hôtel de Versailles constitue avant tout un appoint à l’appartement du château.

vestibule de l’Hôtel de Bouillon Vestibule accédant au rez-de-chaussée © Nathalie Coster

L’hôtel de Bouillon est bâti en 1670 selon les plans de Louis le Vau.

Louis Le Vau devient célèbre en 1654 quand il devient le principal architecte de Louis XIV. En 1656, Nicolas Fouquet lui commande la construction du Chateau de Vaux Le Vicomte, dans lequel il vise le grandiose plutôt que le strict respect des canons de l’architecture classique. Après 1660, il travaille pour le roi : il complète le Château de Vincennes en construisant les pavillons du Roi et de la Reine, l’hôpital de la Salpêtrière, retravaille la façade des Tuileries, reconstruit la Galerie d’Apollon au Louvre et y réalise quelques autres aménagements.

En choisissant un architecte de renom, le Grand Chambellan souhaitait donner confort et élégance à sa demeure. L’hôtel de Bouillon est aligné comme les autres hôtels seigneuriaux suivant le même modèle, dessinant une enceinte de pavillons identiques autour du château et formant des saillies sur la rue. Son entrée se fait alors par la rue des Réservoirs et s’étend rue de la Pompe (actuels 2 au 4 rue Carnot, jusqu’à l’actuelle chapelle protestante située rue du Peintre Lebrun). Le logis de l’hôtel de Bouillon est bâti perpendiculairement à la rue des Réservoirs, accolé à l’hôtel d’Alluye. À l’arrière s’étend une basse-cour, autour de laquelle se trouvent les communs et les écuries. On entre dans le logis par un vestibule qui abrite l’escalier principal. Le rez-de-chaussée est dévolu à de petits appartements, les pièces d’apparat étant situées au premier étage. Au fond de la cour, en face de la porte cochère, on trouve une remise, ainsi qu’une cuisine. Entre les deux, un passage mène à la basse-cour. Un second passage, de l’autre côté de la cuisine, donne accès à l’écurie, située le long de la basse-cour.

En 1792, la maison qui porte le numéro 33 de la rue des réservoirs est échue à Charles Godefroy de la Tour d’Auvergne par suite du décès de son père Emmanuel Théodose de La Tour d’Auvergne. Racheté par le gouvernement en 1820, celui-ci en loue des parties à différentes personnes, entre autres à un marchand de charbon : un sieur Pain qui y installe une école destinée à l’éducation des garçons et des filles puis le projet est abandonné. Il sert ensuite de caserne à une compagnie de gendarmerie, puis d’école préparatoire en particulier à l’école polytechnique.

Boiseries des salons Salons habillés de boiserie © Nathalie Coster

Propriété d’Antoine Gibus, chapelier, l’hôtel de Bouillon est remanié.

Antoine Gibus est connu comme l’inventeur en 1834 du « chapeau à forme pliante dans le sens perpendiculaire ». Pliant, ce chapeau facilita la vie des personnes chargées des vestiaires dans les opéras et les salles de concert.

Originaire de Limoges, Antoine Gibus ouvre un magasin de chapeaux 20 rue Vivienne à Paris et son frère Gabriel une fabrique de chapeaux à Poissy en 1853.

Antoine Gibus s’installe à Versailles et achète l’hôtel de Bouillon. Il remanie l’architecture globale du bâtiment et nous admirons aujourd’hui sa très belle façade à l’italienne entièrement en pierre de taille. Au-dessus de la porte d’entrée, Antoine Gibus fait sculpter le masque de sa seconde femme dont la beauté, à l’époque, était renommée, masques que nous retrouvons au dessus des fenêtres du premier étage. 

Cette maison compte quatre niveaux d’élévation : un sous-sol, éclairé par des soupiraux, un rez-de-chaussée, au même niveau que le jardin mais surélevé par rapport à la rue (un escalier dans le vestibule mène au rez-de-chaussée), un premier étage, de même dimension, et un étage de combles avec 3 fenêtres en chien assis côté jardin. Le garde-corps du balcon du 1er étage côté cour est orné de feuilles d’acanthe dorées.

Dans notre découverte, nous traversons deux grands salons habillés de boiseries d’époque :  l’un Régence avec des portes dorées et de fines sculptures dorées qui ornent ses murs ; l’autre Louis XV dans lequel se trouve une belle cheminée de marbre rouge. Un cabinet de curiosités, un boudoir, et un jardin à la française évoquent les folies du XVIIIe siècle.

Jardins à la française Façade coté jardin et jardin à la française © Nathalie Coster

Sources :

Galerie Pellat de Villedon | 2 bis rue Carnot à Versailles | 06 07 57 01 20 | ludovic.pellat@galeriepellatdevilledon.com

L’architecture vous intéresse ? Retrouvez nos articles sur des maisons versaillaises : la maison d’Édouard Charton au 15 de la rue du même nom et dont l’origine remonte à 1757, date de la construction du logis de l’apothicaire de Louis XV, puis celle du 6 rue Solférino construite dans le quartier de Clagny en 1858 dans un style néo-classique, et la maison Drusch construite de 1963 à 1965 par Claude Parent et située au 38 avenue Douglas Haig, enfin celle du dessinateur Cassandre construite par les frères Perret au 11 rue Albert Joly, et enfin les maisons Bachelin. Retrouvez également notre article sur les oeils-de-boeuf.

Crédit photo à la une : Nathalie Coster | Instagram.

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