Une résidence-atelier : la maison Cassandre à Versailles

France Martin-Monier - 6 novembre 2024

Cette maison située au 11 rue Albert Joly a été construite de 1924 à 1925 par les architectes Auguste et Gustave Perret pour le dessinateur-affichiste Adolphe Jean-Marie Mouron, dit Cassandre. Réalisée en béton armé et comportant un grand atelier donnant sur le jardin en rez-de-chaussée, elle est située dans un quartier résidentiel du 19e siècle, à proximité de la gare rive-droite. zOOm est allé pour vous la découvrir.

Qui est Adolphe Jean-Marie Mouron?

C’est un graphiste, typographe, affichiste, décorateur de théâtre, lithographe et peintre français de l’entre-deux guerres. Il naît à Kharkov en Ukraine au début du siècle, en 1901. Ses parents étant d’origine française, il vient étudier à Paris où il s’installera définitivement en 1915. Il se suicidera, en juin 1968. On estime que ses premières créations remontent à 1921, mais il n’en reste pas de traces. Cette envie de créer lui vient lorsqu’il participe à un concours d’affiches pour Michelin où il remportera la troisième place. En 1923 il présentera officiellement sa première grande œuvre AU BUCHERON, sous le pseudonyme Cassandre. Cette affiche fera de lui un homme célèbre : en 1925 elle lui vaut le grand prix de l’Exposition Internationale des Arts Décoratifs. À son actif : l’affiche du paquebot Normandie ou de l’Etoile du Nord, le triptyque Dubo, Dubon, Dubonnet ou encore le sigle de la marque Yves Saint-Laurent.

La rencontre avec les frères Perret, chantres du béton

Fils d’un tailleur de pierre exilé à Bruxelles, Auguste Perret (1874-1954) ouvre en 1905 avec son frère Gustave (1876-1952) un cabinet spécialisé dans la construction en béton armé, à mi-chemin entre l’agence d’architecture et l’entreprise de bâtiment. Tout au long de leur carrière, ils poursuivent la recherche d’un nouveau classicisme fondé sur l’usage du béton armé en développant pour ce nouveau matériau des formes et des proportions empruntées à l’art grec et au classicisme français ainsi que des textures et des surfaces très sophistiquées. Perret  emploie une inédite ossature en béton armé, portante et surtout apparente, permettant le dessin de plans libres : chaque occupant pouvant modifier la disposition des cloisons.

“Mon béton – disait-il en 1944 – est plus beau que la pierre. Je le travaille, je le cisèle (…), j’en fais une matière qui dépasse en beauté les revêtements les plus précieux.” 

Utilisé jusqu’alors pour la construction d’usines ou de gares, Auguste Perret va s’en emparer pour l’intégrer dans des immeubles d’habitation (25 bis rue Franklin par exemple) ou des édifices de prestige. Le théâtre des Champs-Elysées (1913), l’église du Raincy (1923), le musée des Travaux Publics (1937), la ville du Havre, notamment, montrent sa pensée novatrice.

Cassandre décide en 1924 de se faire construire une maison à la hauteur de ses conceptions esthétiques avancées. Il demande d’abord un projet à Le Corbusier, qui ne le satisfait pas. Il se tourne alors vers les frères Perret, chantres du béton armé, et c’est le coup de foudre.

Laudace teintée de classicisme d’Auguste Perret l’enchante et la maison se construit en un an à Versailles, 11 rue Albert Joly. Ce petit hôtel possède une rigueur géométrique et se caractérise par la simplicité de ses façades.

© Martin-Monier, façade sur rue

La maison Cassandre : une résidence-atelier

Le grand atelier situé au rez-de-chaussée, dans l’axe du vestibule, occupe une position centrale. C’est davantage un atelier de présentation qu’un atelier de peintre. En réalité, un vaste salon dans lequel « Cassandre » se met en scène lors des réceptions mondaines qu’il peut donner. Chacune des résidences-ateliers que construira Perret au cours des années suivantes possèdera cet atelier où l’artiste reçoit et montre ses œuvres dans un cadre plus formel et convenable que le véritable atelier où il pratique. Le grand atelier est donc complété par un atelier auxiliaire, avec un lavabo, dans lequel l’artiste peut réellement travailler.

Se trouvent aussi une entrée, une cuisine et l’office, deux chambres de domestiques, une buanderie, un débarras et une salle de bain. Un couloir central parallèle à la rue assure la distribution des pièces et marque la limite entre espaces de service et espaces de maitres.

Le volume intérieur, totalement dépouillé, prime sur la surface. “Pour accorder le cadre de nos résidences avec notre personne, recommande Auguste Perret, il nous faut supprimer radicalement l’inutile. Aucun décor fixe. Rien que des proportions justes. C’est à l’habitant de décorer son logis ».

© Martin-Monier, hall d’entrée

Seul le volume de l’escalier est traité avec ampleur et tourne sur un important vide central, un palier à mi-chemin ouvre sur deux petits escaliers latéraux qui conduisent chacun à une chambre d’enfants, au-dessus des pièces de service. Au dernier étage se trouvent 4 chambres équipées de salles de bain. La chambre de Cassandre et sa femme occupe le centre du plateau. La maison est couverte d’un toit terrasse non accessible. Sont classés au titre des monuments historiques le toit terrasse, le hall et les façades.

La maison a été remaniée par les propriétaires actuels pour l’adapter à leur mode de vie avec un salon, une salle à manger et une cuisine ouverts sur le jardin de plain-pied.

zOOm a été séduit par cette maison originale aux lignes géométriques. Elle est très claire et ses vastes volumes invitent à la détente.

L’architecture vous intéresse ? Retrouvez nos articles sur des maisons versaillaises : la maison d’Édouard Charton au 15 de la rue du même nom et dont l’origine remonte à 1757, date de la construction du logis de l’apothicaire de Louis XV, puis celle du 6 rue Solférino construite dans le quartier de Clagny en 1858 dans un style néo-classique, et la maison Drusch construite de 1963 à 1965 située au 38 avenue Douglas Haig.

Sources : “Les Frères Perret, l’oeuvre complète”, Institut Français d’Architecture, éditions Norma

Photo de couverture © Martin-Monier, façade vue du jardin

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