Restaurateur d’horloges anciennes à Versailles : rencontre avec Paulo Pedro, artisan d’exception

France Martin-Monier - 17 novembre 2022

Oh temps ! suspends ton vol, et vous, heures propices ! Suspendez votre cours...” me disent les horloges qui brillent et qui tintent en m’accueillant dans l’atelier. Elles sont posées sur des étagères, à coté d’un mur de clefs, côtoyant le tour de l’horloger ou la cuve à ultrasons…

Paulo, le restaurateur d’horloges, m’indique avec bonhommie que le passé vient à lui à travers celles-ci. Il se manifeste à la fois dans ce qu’il y a de plus prestigieux : des mécanismes perfectionnés et des décors originaux, mais aussi dans ce qu’il y a de plus simple : les mots tracés à la pointe à graver par l’artisan sur la plaque derrière l’horloge. Ils font état de la vie des hommes et de leurs humeurs du moment. Paulo a pu lire par exemple : “Aujourd’hui, le pape est mort”, il s’agissait de Pie X. Une autre fois, sur une horloge de 1807 était écrit “J’emmerde mon patron.” !

Mais comment devient-on restaurateur d’horloges anciennes ? zOOm a interrogé pour vous Paulo Pedro.

Quel est votre parcours ? Comment se passionne-t-on pour la réparation et la restauration d’horloges anciennes ?

Enfant, j’aimais beaucoup bricoler, réparer les mobylettes, les vélos, les réveils… J’étais attiré par le travail manuel. Je me suis tourné vers un Certificat d’Aptitude Professionnel en horlogerie.

En 1985, Jean-Michel Hansart, installé au 42 avenue de Saint-Cloud, réparait des horloges anciennes. Stagiaire puis salarié, j’ai appris avec lui toutes les ficelles du métier, puis il m’a laissé son atelier en 1990. Je suis resté 30 ans avenue de Saint-Cloud et me suis installé il y a 5 ans Cour Duplessis.

© Art Shooting / Gwenola de Crémiers

Qu’est-ce qui vous anime dans ce métier ?

J’apprécie beaucoup de redonner vie et splendeur à des objets qui ne payaient pas de mine. Je suis comme un passeur du temps et fais partie d’une grande chaîne de réparateurs d’horloges. J’admire chaque beau mouvement : pas un ne se ressemble. Jamais je n’ai restauré une pendule identique en 35 ans de carrière et mon travail est toujours différent pour chaque objet.

Je suis très ému quand je vois les initiales d’un horloger célèbre sur le devant de l’horloge.

© Art Shooting / Gwenola de Crémiers

Quels sont vos clients et quels types d’horloges réparez-vous ?

80 % de mes clients sont des particuliers qui m’apportent leurs horloges à restaurer à l’atelier, et le bouche-à-oreille fonctionne très bien.

Quand un client m’apporte une pendule sale, oxydée, je sais déjà le résultat que cela peut donner une fois remise en état, et cela peut coûter entre 1 000 et 1 500 euros.

Une restauration bien faite dure au maximum 10 ans. Il m’arrive d’avoir entre les mains deux fois le même objet.

Tous les types d’horloges passent entre mes mains : des comtoises, ces horloges campagnardes sur pied dont la gaine en bois est en épicéa ; des pendules de parquet (sur pied) qui datent du XVIIIe siècle dont le boitier est souvent orné de sculptures sur la partie haute ; des pendules de cheminées ; des cartels d’applique c’est-à-dire des pendules encadrées d’un motif ornemental qui sont posées aux murs ; des œils de bœuf (époque Napoléon III) dont la forme rappelle celle des lucarnes du même nom que l’on voit sur les toits mansardés ; des pendules de clocher…

Le décor de l’horloge me donne des indications sur son époque : une pendule d’époque Empire se reconnait à son décor avec des aigles par exemple ou à la forme particulière de ses pièces, une pendule d’époque Charle X à son décor romantique. Le cadran et les aiguilles donnent aussi des indications : au XVIIe siècle, le cadran est en étain ou en laiton doré ou argenté. Sous Louis XV, le cadran est en bronze ou en émail. Au XVIIIe siècle, la taille des cadrans diminue. Un disque d’émail blanc unique est parfois peint et décoré de fleurs de lys ou de volutes.

J’entretiens les horloges de Matignon, de la Cour des Comptes, du Conseil Général, de la Préfecture. Je les remonte et les remets à l’heure en passant dans ces lieux une fois par semaine.

© Pedro Paulo et Art Shooting / Gwenola de Crémiers

Comment travaillez-vous ? Quels sont vos outils ?

Je travaille beaucoup à l’atelier. J’utilise le tour d’horloger pour confectionner ou adapter des tiges en acier ou en laiton sur les différents mécanismes. Je fais tremper mes pendules dans la cuve à ultrasons, je nettoie les pièces détachées que ce soient les plaques, les tiges, les roues, les ressorts, le barillet… avec un liquide à base de savon noir ou de l’ammoniaque. Je ne laisse aucune impureté. Je sèche à la sciure de bois et remonte ensuite l’ensemble avec soin.

Je peux aussi réparer les aiguilles ou en fabriquer de nouvelles. Je les décape quand elles sont rouillées. Elles redeviennent blanches couleur acier puis je les chauffe au four à 250/300 degrés de façon à ce qu’elles deviennent bleues, ce qui empêche l’humidité de pénétrer dans le métal. Si elles sont en laiton, elles sont redorées.

Mes outils sont la perceuse colonne pour percer à la verticale des pièces en laiton, le touret à polir avec des brosses abrasives, la meule et la pâte à polir pour un rendu de surface lisse, la loupe, la bruxelle (une pince), les tournevis.

Il m’arrive de faire intervenir beaucoup d’autres artisans : l’ébéniste pour la marqueterie, l’émailleur, le bronzier, le poseur de verre, le marbrier. Tous m’aident à faire de mon horloge une petite merveille !

Je me dois d’avoir beaucoup de clefs servant à remonter les horloges pour remplacer celles qui sont égarées ou inutilisables. J’ai un fournisseur attitré.

© Art Shooting / Gwenola de Crémiers

Une anecdote ?

Un de mes amis, expert en mobilier au château de Versailles, m’a donné un jour à nettoyer des serrures de meubles et les clefs de ces mêmes serrures. C’étaient des objets réalisés et signés par Louis XVI en laiton et en bronze, très ajourés et faits à la main. Quel extraordinaire émotion de tenir ces œuvres entre mes mains, même si ce n’était pas pour remonter une horloge !

Si vous êtes un particulier, un musée, un château, une administration et que vous voulez redonner vie à vos horloges anciennes, vous savez maintenant où vous adresser pour un entretien ou une réparation dans toutes les règles de l’art !

Une vidéo sur Paulo de la Fédération Nationale Artisanale des Métiers d’Art et Création du Bijou, de l’Horlogerie est à retrouver ici.

Les Ateliers du Temps | Paulo Pedro | 3 impasse Duplessis, 78000 Versailles | 01 39 51 25 14 | dimahor_france@yahoo.fr | Instagram

Pour tout savoir sur les artisans de la cour Duplessis, vous pouvez lire nos autres articles : Julien Laporte, maître verrier ; Jehanne Roesch, artiste peintre ; Stéphanie Cluzel, passionnée de tissus anciens.

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Photo à la une : © Art Shooting / Gwenola de Crémiers

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