Restauration de tableaux à Versailles : rencontre avec Claire Levaillant, artisan d’exception

France Martin-Monier - 14 février 2023

“Voir la beauté d’une œuvre se révéler à mes yeux curieux et émerveillés est ce qui m’anime dans mon métier. Mes restaurations ont pour objectif de mettre en valeur l’histoire des tableaux, la patine tout en conservant la lisibilité de l’image. C’est dans la discrétion que se trouvent les plus belles restaurations.” Voilà le credo de Claire Levaillant qui m’accueille dans son atelier cour Duplessis, toute souriante.

zOOm est allé pour vous l’interroger pour comprendre son parcours et son travail.

Tableau avant et après restauration, support avant et après restauration © Claire Levaillant

Comment devient-on restauratrice de tableaux ?

Enfant, j’ai baigné dans un univers très créatif et j’ai pris goût aux matériaux. En effet, mon grand-père était peintre décorateur et mon père, paysagiste, l’aidait ; je les accompagnais parfois à l’atelier. J’ai décidé de faire l’École de Condé dans laquelle je me suis perfectionnée en histoire de l’art et aux techniques de restauration. Deux années supplémentaires dans le domaine du marché de l’art ont complété ma formation. Je suis sortie diplômée en 2017.

Je me suis installée à mon compte dès la sortie de l’école, et Cour Duplessis en février 2021.

  Nettoyage, aplanissement de la déchirure, retouches © Art Shooting / Gwenola de Crémiers

Qui sont vos clients ?

Ce sont des particuliers : le bouche-à-oreille fonctionne très bien. Je bénéficie de la politique engagée de la ville de Versailles qui met en valeur ses artisans d’art. Je pense que les Versaillais ont une culture de la conservation des objets et des objets d’art en particulier que l’on ne retrouve pas dans toutes les villes, et j’en bénéficie.

Je me déplace chez les clients pour restaurer in situ leurs tableaux ou je les emporte à l’atelier quand la toile n’est pas trop grande. J’établis toujours un devis au préalable après une observation méticuleuse de l’œuvre, la compréhension de son histoire et un état des lieux de sa conservation.

Comment se déroule la restauration d’un tableau ?

La  première étape est celle du traitement du support comme la reprise des déchirures plus ou moins grandes dans la toile :

• Il faut d’abord s’occuper de la partie arrière de la déchirure ; j’applique une pièce de toile de lin ou synthétique que je colle quand la déchirure est complexe ou un pontage fil à fil (des fils de lin ou synthétiques) dans le cas d’une petite déchirure ou de petits trous dans la toile. Cela renforce la zone de faiblesse et la maintient à plat.
• Ensuite, je m’occupe de la partie visible à l’avant du tableau en refermant la déchirure si besoin en comblant la surface avec un peu de blanc de Meudon (mastic) pour rendre celle-ci lisse et plate. Avec une spatule et les pinceaux, je reproduis au maximum l’aspect de surface pour camoufler la cicatrice.

La  deuxième étape est de nettoyer le tableau, souvent sali par le temps : nicotine, fumée, poussière, gras, fientes de mouches etc. peuvent altérer l’œuvre d’art. Je teste pour cela différentes techniques et vois comment réagit le tableau : l’eau, la salive ou un savon spécialisé peuvent être passés tout doucement au moyen d’un coton monté sur un bâtonnet en bois ou avec une éponge. S’il y a des moisissures, un antifongique sera nécessaire.

La troisième étape est celle des allègements de vernis et des retouches. L’allègement de vernis est une opération consistant à ôter de la surface du tableau une partie de son vernis ancien. Par respect pour la patine, on essaie de conserver une couche fine du vernis. C’est une opération délicate : elle consiste à poser un solvant qui va faire gonfler la résine constituante du vernis, que je vais retirer grâce au passage mécanique d’un coton.

Il existe différentes sortes de retouches :

• La retouche illusionniste permet à nouveau de profiter du tableau dans son unité. Les lacunes deviennent invisibles.
• La retouche au Trattegio ; les aspects esthétiques et historiques propres à l’œuvre ne sont volontairement pas dissimulés totalement. Cette technique est similaire à la technique du pointillisme ; les couleurs sont rapprochées par l’exécution de petits traits. Elle permet de retrouver une unité esthétique (à une distance normale d’observation), en maintenant le caractère originel de la zone retouchée.
• La retouche en pointillisme, même principe que le Tratteggio, mais constituée de petits points et pouvant être appliquée sur des œuvres de style varié.

Retouches © Stéphanie Cluzel

Qu’appréciez-vous le plus dans le travail de la restauration de tableaux ?

En une seule journée, je peux réaliser beaucoup d’opérations différentes. Je me plais à imaginer l’histoire du tableau. J’apprécie de redonner leur beauté aussi bien à des tableaux anciens que modernes car ce que j’aime, c’est travailler sur la matière : réparer la toile au dos, boucher les lacunes, nettoyer la crasse, faire des retouches à la peinture, redonner un aspect vieilli…

Au final, chaque tableau est beau à sa façon et je lui redonne son éclat : c’est là l’essentiel pour moi !

Fouillez votre grenier ou celui de vos grands-parents, vous trouverez peut-être un tableau que vous aimez qui, abîmé, est resté entreposé depuis longtemps dans le noir. Pensez à la restauration et vous pourrez de nouveau l’accrocher à la lumière ! N’hésitez pas à contacter l’atelier Levaillant pour une restauration dans les règles de l’art.

Alors, l’avez-vous trouvé ce tableau ?

Atelier Levaillant | 3 impasse Duplessis 78000 Versailles | 06 75 15 30 44 | claire.levaillant@wanadoo.fr | www.atelier-levaillant.fr | Instagram

Découvrez tous les artisans de la cour Duplessis en lisant nos articles : Julien Laporte, maître verrier ; Jehanne Roesch, artiste peintre ; Stéphanie Cluzel, passionnée de tissus anciens ; Pedro Paulo, restaurateur d’horloges anciennes.

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Photo à la une : © Art Shooting / Gwenola de Crémiers